Patrick Kelly

Interview

Qu’avez-vous retiré de vos années de travail en Tai Chi?

Le développement intérieur est le principal résultat d’un entraînement avec un vrai professeur. Efforts et sacrifices en sont le prix. Vers l’âge de vingt ans, après dix ans d’expérience dans les arts martiaux et sur le point de terminer mes études universitaires, je pris la décision de concentrer ma vie à la recherche d’une voix intérieure et de son développement. La boxe et la lutte n’avaient pas cette profondeur, le Yoga l’avait mais était trop passif alors que la méditation sans entraînement complémentaire manquait d’équilibre. J’ai essayé quelques méthodes japonaises mais la sévérité inhérente à leur culture m’amena aux arts martiaux chinois, et je commençai ainsi le Tai Chi. Le Tai Chi, ou du moins l’enseignement de Maître Huang Sheng Shyan, a comblé toutes mes espérances en assurant un développement interne équilibré.

Quels aspects spécifiques du Tai Chi vous intéressent vraiment aujourd’hui?

Seuls m’intéressent l’esprit et ce qu’il y a au-delà. Enseigner comment amener le corps sous le contrôle de l’esprit est le domaine dans lequel j’ai choisi d’aider les gens. Personnellement, plus l’esprit rejoint profondément sa source, et plus mon intérêt se trouve impliqué dans ce processus. La santé et l’auto-défense sont d’un intérêt très mineur.

Votre idée du Tai Chi a-t-elle beaucoup changé au cours de ces trente dernières années?

Pas vraiment. J’ai commencé le Tai Chi sans l’avoir vu auparavant, je savais seulement que c’était l’un des arts martiaux chinois internes basés sur les principes du taoïsme, et que son objectif était le développement intérieur. Après avoir rencontré un instructeur de Maître Huang qui démontra sans ambiguïté un savoir et des compétences au-delà de tout ce que j’avais vu au cours de mes dix années antérieures de recherche et après la rencontre de Maître Huang lui-même, j’ai su que j’avais trouvé ce que je cherchais.

Quelle est votre philosophie personnelle d’enseignement?

Il est important d’encourager les étudiants à faire des efforts, autant pour dépasser leurs limites externes, que pour aller plus au fond d’eux-mêmes. Il est important de s’assurer que les étudiants comprennent pourquoi ils pratiquent certains exercices, et où cela doit les mener. Comprendre le cheminement à l’avance et son intérêt leur permet progressivement de devenir moins dépendants de moi. Cette compréhension les empêchera également d’être trompé plus tard par des professeurs sans scrupule.

Il est également important de reconnaître la responsabilité qu’il y a à enseigner : s’entraîner concerne son propre développement, tandis qu’enseigner a pour vocation d'aider les autres. Si vous pratiquez pour devenir professeur ou si vous enseignez pour l’argent ou le prestige, cela n’aidera ni votre développement intérieur, ni celui des autres.

Quels sont vos projets futurs d’enseignement en Europe?

Parmi les nombreux élèves venus assister à mes premiers stages, j’ai choisi et me concentre désormais sur une centaine, mieux préparés à recevoir ce que j'enseigne. Mon but est de les guider jusqu’à ce qu’ils soient indépendants. Si ces personnes peuvent réellement bien comprendre la méthode, la sentir à travers leur corps, et l’enseigner à leurs étudiants, nous pourrons nous concentrer sur les aspects les plus profonds. Mon expérience et celle de mon professeur montrent qu’il faut 14 ou 15 ans d’entraînement complet avant qu’un élève soit capable d’enseigner de manière indépendante. Je me suis entraîné sous la direction de Maître Huang pendant 20 ans, jusqu'à sa mort en 1992, et c’est la base de l’aide que je peux offrir.

Quand je suis arrivé la première fois en Europe, l’expérience pratique de nombre de ceux qui enseignaient laissait à désirer. Cela venait du changement successif de leurs professeurs et du fait qu’ils ajoutaient leurs brillantes idées à ce mélange. D’autre part, certains élèves, ayant appris pendant 5 ou 6 ans, surestiment ensuite leurs propres capacités. Quand les idées douteuses qu’ils ont d’eux-mêmes sont ébranlées, ils se mettent en colère, décident subitement que « je ne sais plus rien », et partent enseigner de façon indépendante. Cela est ennuyeux pour eux, et dangereux pour leurs étudiants, envers qui je ressens quelques responsabilités. Mon professeur, maître Huang, avait également eu affaire à toute une flopée de personnages de ce genre.

Quels sont les aspects les plus profonds?

Les aspects les plus profonds sont ceux de l’esprit et ce qu’il y a au-delà. Il y a clairement trois niveaux en Tai Chi, le corps, l’esprit et au-delà de l’esprit. J’essaie d’enseigner aux gens le niveau corporel dans son intégralité, de les conduire plus loin dans le domaine de l’esprit, tout en leur présentant sérieusement les aspects spirituels.

Quelles sont les choses les plus importantes à travailler à chaque niveau?

Le but est d’unifier les niveaux, pas de travailler exclusivement chacun d’eux. Les gens devraient d’abord apprendre comment bouger leurs corps en souplesse, puis comment se relâcher et s’aligner, pour ensuite trouver les forces à l'intérieur du corps tout en combinant cela avec l’esprit. Tout ceci concourt à la coordination du corps et de l’esprit. L’entraînement physique seul n’a pas de place dans le Tai Chi. Par la suite, il y a un entraînement pour la coordination de l’esprit et de l’énergie, et plus tard, pour l’aspect le plus profond de l’esprit. Simultanément, la connexion entre l’esprit et l’essence peut se développer.

En terme d’esprit, qu’enseignez-vous?

Il est possible d’en parler, mais la compréhension réelle vient à travers la pratique. La conscience et l’intention existent à plusieurs niveaux, du superficiel au plus profond. La conscience et l’intention se combinent pour produire une réaction. La plupart du temps, les gens travaillent un certain type de conscience en Tai Chi, mais ils travaillent rarement l’intention. Agir avec la conscience implique l’activité du corps et la passivité de l’esprit, tandis qu'agir avec l'intention implique l’activité de l’esprit et la passivité du corps.

L’entraînement de l’intention de l’esprit (Yi) a été délibérément tenu secret par les anciens maîtres. Maître Huang et Maître Ma, par exemple, le réservaient aux élèves de leurs propres Écoles, ne le transmettant seulement qu’à quelques-uns de leurs milliers d’élèves. À cause de cela, la méthode pour développer l’intention est la plupart du temps absente dans le travail, aussi bien en Chine qu’en Occident, quand curieusement, les Classiques la présentent comme la chose la plus importante. Même quand elle est enseignée, les étudiants doivent pratiquer pendant longtemps avant de se l’approprier et de l’approfondir.

Pouvez-vous parler de vos principaux professeurs?

En commençant sur cette voie, il devenait évident que j’avais besoin de trouver un professeur qui savait de quoi il était question, spirituellement. J’ai commencé le Tai Chi de Maître Huang et peu de temps après, j’ai commencé à travailler avec un professeur Sufi. C’était un cheikh dans la tradition afghane Naqshbandi, et issu également en partie de la tradition Gurdjieff. J’ai continué de travailler avec ces deux personnes jusqu’à leur décès (Maître Huang en 1992, le Soufi en 1987).

Les autres professeurs qui ont eu de l'influence sont un vieux Yogi qui vit dans le désert en Inde, que je visite de temps en temps et un vieux sage Taoïste qui vit caché en Chine et reste inconnu en Occident. Maître Ma Yue Liang, qui a séjourné six mois en Nouvelle-Zélande et à qui j’ai rendu visite par la suite en Chine, m’a également aidé. Enfin, j’ai gardé contact pendant ces 15 dernières années avec Maître Ni Hua Ching, qui connaissait Maître Yang Pan Hou et Yang Cheng Fu, et qui était un bon ami de Cheng Man Ching. Ces professeurs m’ont tous encouragé à enseigner. Sans leur mandat, je n’aurais pas eu l’audace de guider d’autres personnes dans leur vie.

Pour en revenir à la pratique du Tai Chi, quel est l’intérêt de la poussée des mains?

La poussée des mains concerne la sensibilité, la forme permet de travailler la force interne. C’était leur vocation originelle, mais les étudiants médiocrement entraînés inversent cela, en travaillant la forme de manière légère, en quête de sensibilité, avec conscience mais sans intention, puis en combinant force et mécanismes simplistes dans la poussée des mains pour tenter de trouver la force interne.

La poussée des mains vous enseigne à étendre et prolonger votre conscience pour inclure l’autre. Elle vous permet de travailler votre conscience de l’autre et la réponse correcte à son intention alors que dans la forme, c’est votre intention qui produit le mouvement en réponse à la séquence gardée dans la mémoire du corps. Avec le temps, et avec la bonne méthode, vous devenez sensible à l’intention de bouger dans le corps du partenaire, à son champ d’énergie et à son esprit. La poussée des mains est également une méthode d’enseignement où les étudiants peuvent interagir avec le professeur et apprendre de ce contact.

Avez-vous participé à une compétition de poussée des mains? Qu’en pensez-vous?

Je n’ai jamais participé à une compétition de poussée des mains, mais dans le monde chinois, quand vous pratiquez la poussée des mains, cela devient compétitif. Il faut se rappeler qu’en Asie, la plupart des étudiants et des professeurs ont, au mieux, appris à « l’École externe » des bons professeurs. En Asie, nous allions souvent dans les parcs le week-end, où se tenaient des rencontres de pratiquants de Tai Chi venus de nombreuses Écoles différentes. Même si notre but était d’apprendre, la situation était extrêmement compétitive. Quand je visitais différents professeurs, cela était souvent considéré, à tort, comme un défi et je n’échappais pas à de sérieuses poussées des mains.

J’ai assisté à des compétitions et il semble qu’elles produisent et stimulent les pires aspects du Tai Chi. Ce que font les compétiteurs en essayant désespérément de gagner, va à l’encontre des principes de base. Je ne crois pas qu’ils en retirent grand chose de valable. Certaines personnes pensent qu’elles apprennent à maîtriser une énergie agressive ou une situation agressive, mais j’ai remarqué qu’en fait, c’est leur propre compétitivité qu’elles développent. Les situations agressives stimulent l’agressivité, ce qui encourage donc exactement le contraire de ce qui est souhaité. Les personnes ambitieuses se sentent justifiées dans leur comportement et gravissent les échelons des organisations qui préparent les compétitions, perpétuant ce modèle.

Est-ce que la poussée libre peut remplacer les formes fixes des poussées des mains?

Il est de loin préférable de travailler la forme fixe des poussées des mains, et d'apprendre à votre corps et à votre esprit les réactions adéquates dans des conditions déterminées. Si vous pratiquez la poussée libre, vous utilisez juste vos compétences déjà présentes en essayant de devenir plus fort et plus rapide. En conséquence de quoi, cela fixe les réactions inefficaces habituelles plus solidement en vous. Quand les réactions d’une personne ont changé pour se conformer aux principes du Tai Chi, alors une légère poussée des mains, contrôlée, peut être pratiquée pour accroître le naturel de ces réactions.

Pouvez-vous expliquer l’importance du cercle vertical, en opposition avec le cercle horizontal?

Le cercle horizontal contient les mouvements externes du corps, ceux qui impliquent le repositionnement du centre. Dans le cercle vertical, les changements internes ont lieu dans l’esprit et dans le corps, produisant des changements subtils dans la force verticale et la hauteur du corps, pendant que celui-ci effectue les mouvements externes. Les changement internes, dans leurs formes les plus simples sont la contraction, ce qui produit le mouvement, suivie par le relâchement, ce qui permet au corps de tourner ou d’évoluer sous l’influence de l’élan et de la gravité.

Parce que le corps se sert du sol pour se mouvoir, la contraction produit une force horizontale et verticale. Un mouvement plus rapide demande une plus grande force horizontale, ce qui nécessite une plus grande force verticale, laquelle produit une légère montée dans le corps. En bougeant lentement dans la forme du Tai Chi, la gravité prend le dessus sur cette montée, ce qui fait que les gens n'y sont pas forcément sensibles. Quand les gens doivent bouger rapidement, le cercle vertical prend le dessus sur la gravité et cela fait monter légèrement le corps, ensuite le corps s’équilibre une fois que la vague de contraction est passée. Beaucoup de personnes s'en rendent compte et Cheng Man Ching le mentionne dans l’un de ses livres, mais cette seconde phase de relâchement, ou balancement, contient trois phases cachées rarement comprises.

Pouvez-vous expliquer les différents états des muscles et comment ils affectent le la force dans le corps?

Les muscles suivent le cycle contraction, relâchement, étirement et non-étirement; le cycle de l’esprit correspondant étant concentration, relâchement, laisser-aller et vide, plus un état neutre pour les deux, ce qui donne cinq phases. Ce n'est qu'avec un long travail que l'on acquiert la compréhension pratique de cela. Ce cycle du corps et de l’esprit forme la base de tout ce que Maître Huang m’a enseigné au cours de mes vingt ans d’apprentissage sous sa direction.

Si vous ne comprenez pas ces cinq états, alors il est difficile de trouver la force élastique du Tai Chi. Il est communément enseigné qu’il n’y a que deux états pour les muscles, contraction et relâchement. Si vous ne connaissez que ces deux-là, vous serez coincé dans la paire d’opposés, Yin et Yang. Si vous essayez de combiner ces deux états, en contractant puis en relâchant, ou en relâchant une partie et en contractant une partie, alors votre recherche de la force élastique est vouée à l’échec. L’étirement et le non-étirement sont rarement mentionnés ou enseignés. Les changements correspondant dans les états de l’esprit sont encore plus obscurs.

Pouvez-vous expliquer les différents états de l’esprit à travailler dans la forme?

Non, je ne peux pas vraiment expliquer cela. Ils doivent être travaillés avec une personne qui les comprend. Ce que je peux dire, c’est que les gens doivent d’abord écouter attentivement leur corps. Ce n’est pas l’écoute normale qui provient de la partie superficielle de l’esprit. Il s’agit de rechercher les véritables sensations du corps comme la chaleur, la pression et le positionnement non-visuel. C’est la première étape et c’est considérablement différent de l’attention superficielle travaillée par la moyenne des pratiquants de Tai Chi. La mauvaise méthode consiste à seulement augmenter la concentration du niveau d’attention de la vie de tous les jours et c’est cela qui rendra ensuite les choses plus difficiles pour aller plus loin. Malheureusement, de nombreux systèmes modernes de méditation enseignent juste aux gens à estimer et renforcer cette attention superficielle. L’ego observe les perceptions superficielles: vision, écoute, etc... et pense qu’il voit la réalité « telle qu’elle est ». Ce n’est pas la bonne démarche. Tous mes professeurs parlent de cette erreur, et mon expérience confirme ce qu’ils disent. À chaque niveau de Tai Chi il y a ce paradoxe entre contrôle et laisser-aller.

À chaque niveau il y a un paradoxe entre laisser-aller et contrôler. Quelles sont vos réflexions à ce sujet et quelles façons de travailler recommandez-vous?

Au coeur du Tai Chi est le paradoxe consistant à combiner le Yin et le Yang, c’est à dire le contracté et le relâché ou le contrôle et le naturel. Ce que nous recherchons, ce n’est pas plus de Yin ou de Yang, ou un mélange, mais quelque chose de nouveau. On peut appeler cela yin-yang, comme une entité. Cela ressemble à un mélange des deux, mais c’est quelque chose de différent, une troisième chose qui est produite. Ce n’est jamais le problème de l’un est bon, l’autre est faux, mais la combinaison de ces deux choses produit quelque chose de plus subtil.

Quand on produit la force du Tai Chi (jin), il y a en même temps attraction et émission. L’état d’étirement est en fait un nouvel état qui est produit à l’intérieur des muscles. L’étirement permet de céder et conjointement de produire une force, ce n’est pas une combinaison de contraction et de relâchement, ni dans le temps, ni dans l’espace.

La même chose pour laisser-aller et contrôler. Le contrôle qui interfère avec le laisser-aller n’est pas le contrôle dont vous avez besoin. Vous devez trouver ce qui permet d’augmenter simultanément le laisser-aller et le contrôle.

Pourquoi est-il important d’aligner le corps?

Il est important d’être aligné au moment où les forces passent à travers le corps. Ce n’est pas nécessaire quand vous relâchez. Aligner permet de créer une ligne de connexions du sol au point d’application, ce qui permet aux forces de passer à travers le corps sans provoquer de contraction, de résistance ou de douleurs. Une colonne vertébrale verticale et droite, par exemple, permet de faire partir une force plus grande du sol. La plupart du temps, en vieillissant, la colonne vertébrale devient moins flexible et les courbes sont plus importantes, provoquant des problèmes avec les disques des vertèbres. Se relâcher et s’aligner dans la forme et dans les exercices permet d’inverser ce processus.

Pourquoi est-il important d’avoir une base solide?

La force interne du Tai Chi monte et descend à partir du sol. Sans une base solide, les gens ne peuvent pas trouver cette force et ne pourront jamais faire autrement que d’utiliser la force et le poids de la partie supérieure du corps, ce qui se remarque par une inclinaison ou des mouvements excessifs lors de l’émission de la force. C’est seulement quand votre corps est très stable que vous pouvez relâcher la partie supérieure du corps et trouver le cercle vertical; seulement quand il est extrêmement stable que vous pouvez vous concentrer en pleine action.

Pourquoi est-il important pour le corps d’être relâché?

Quand les bébés naissent, ils sont déjà relâchés, mais ils ne savent pas comment bouger. La première chose qu’ils apprennent pour survivre, c’est une raisonnable capacité à bouger leur corps, ce qui implique des contractions. Tout le monde apprend cela, mais il se peut qu’on n’apprenne jamais à se relâcher. En conséquence de quoi, des contractions résiduelles persistent et s’accumulent dans le corps; en vieillissant, on devient tendu et bloqué. Pour contrer ces inconvénients,les gens doivent d’abord apprendre comment perdre ces contractions résiduelles, habituelles. Ensuite, quand ils font une contraction, comment s’en libérer complètement, immédiatement après. Les contractions résiduelles bloquent le flux sanguin et le flux énergétique, et interfèrent également avec les mouvements enchaînés. Il est donc nécessaire d’être capable de se libérer complètement des contractions résiduelles quand la force afflue du sol à travers le corps afin de permettre à l’étirement et au non-étirement de s’effectuer de façon semi-automatique.

Pourquoi l’exactitude dans la forme est-elle importante?

La principale raison est l’entraînement du contrôle corps-esprit au niveau initial. Il se réalise en positionnant précisément le corps en fonction d’ une intention claire de l’esprit, que ce soit la mémoire de la position, ou bien une intention née sur l’instant. Avec les débutants, l’esprit essaie de faire une chose, et le corps fait quelque chose de différent. La précision est le premier pas dans la pratique du contrôle corps-esprit, et aussi le premier pas pour trouver les positions qui permettent une meilleure transmission des forces vers et à partir du sol.

Pourquoi est-il nécessaire de développer un esprit profond?

L’esprit superficiel, ou attention quotidienne, relève de la conscience cérébrale. Le véritable esprit, dans sa totalité, est présent dans le champ d’énergie, pas dans le cerveau. Quand vous mourrez, l'esprit superficiel disparaît avec le cerveau, mais les aspects les plus profonds de l'esprit continuent d'exister et d'opérer à trois niveaux. Il y a l’esprit connecté avec le corps, l’esprit connecté avec le champ énergétique et il y a l’intelligence de l’esprit. L’intelligence de l’esprit profond fonctionne à travers ces trois aspects. Elle est connectée au cerveau et au corps à travers ces trois aspects, mais elle est assez différente du cerveau. L’esprit profond, qui inclut les parties les plus profondes du champ d’énergie, est votre Moi réel et individuel. Il naît dans un corps pour développer son champ d’énergie et l’intelligence qui lui est associée. C’est le but de la vie. Oublier cela, c’est gaspiller sa vie.

Diriez-vous que c’est la principale raison pour pratiquer le Tai Chi?

Les Classiques disent que la raison principale de la pratique du Tai Chi est d’atteindre la longévité, ce qui signifie, dans l’enseignement taoïste, l’immortalité ou la capacité de survivre après la mort dans votre corps de diamant. Les bouddhistes parlent d’illumination, ce qui signifie créer un corps de lumière pour la même raison.

Après la mort, vous vivez dans votre corps d’énergie, d’une façon ou d’une autre. Si par un effort correct durant votre vie, votre corps d’énergie se trouve renforcé et raffiné, alors les plus profonds aspects de vous-même se libèrent de votre corps, immunisés de la mort dans votre corps énergétique cristallisé. Si vous n’avez pas atteint cela, soit vous vous éteindrez progressivement de toute existence individuelle, soit vous retournerez dans un corps pour essayer encore d’échapper au cycle de la mort et de la vie. C’est la vérité de la vie. Cela est bien compris par tous les véritables professeurs. Les autres objectifs en Tai Chi sont mineurs, créés par les gens ordinaires, la plupart du temps pour soigner le corps, le rendre plus confortable ou pour atteindre une reconnaissance en combat avec le respect douteux qu’elle confère. Malheureusement, se concentrer sur la santé ou l’auto-défense augmente l’attachement de l’esprit au corps, renforce l’ego et bloque tout développement interne.

Comment ceux qui sont intéressés par vos concepts peuvent-ils avoir accès à votre enseignement ?

Je ne fais pas beaucoup de publicité, mais les informations circulent suffisamment, comme cette interview, mes livres et mes étudiants qui enseignent. Si une personne est vraiment intéressée, si cette personne fait des efforts pour chercher et s’il y a une résonance interne à cet enseignement, alors l’opportunité d’entrer en contact se fera certainement grâce à son propre esprit profond.


(Interview réalisée en 2001, source: site de P.Kelly)